Pour une culture du Libre
Il est très difficile aujourd’hui d’arriver à produire du neuf avec tous ces articles qui sortent sur le coronavirus et sur la science ouverte. Tout a été dit ou presque car tous les jours de nouveaux articles sortent, le mien y compris. Les blogs fleurissent, les articles de journaux sont pléthore et les revues scientifiques mettent en masse leurs articles en libre accès le temps de la pandémie. Cependant, dans ce flux d’informations où l’on se noie tous, des voix s’élèvent pour dire paradoxalement que l’accès au Savoir n’est pas assez ouvert.
Au début, je n’ai pas compris, il n’ y a qu’à se pencher et se servir, on trouve des fakes, des articles du Monde, du Temps, du New York Times, des journaux sur abonnement qui ouvrent leur contenu et en côtoient d’autres, en accès ouvert depuis longtemps. On trouve aussi des articles scientifiques publiés dans des revues de renom commme The Lancet ou The New England journal of Medecine. Couperin met lui-même à disposition une liste à jour des revues qui passent en accès ouvert le temps de la crise. Alors pourquoi lancer ce pavé dans la mare et venir nous dire qu’il n’y a pas assez d’infos. Car parallèlement à cet afflux, on entend aussi que les chercheurs du monde entier n’ont pas accès à l’info sur le Covid 19 ????
On lit aussi que le Libéria au temps d’EBOLA [ref] https://www.letemps.ch/sciences/coronavirus-met-revues-scientifiques-pression [/ref] n’avait pas accès à l’information scientifique car payante et trop chère pour eux, que les chinois eux mêmes au moment de l’arrivée et de la montée en masse de la pandémie étaient déjà sur le pont en décembre et début janvier avec des observateurs de terrain à Wuhan. Ils se servaient encore et toujours des réseaux sociaux pour communiquer l’existence d’une contamination du covid19 d’humains à humains. [ref] The Coronavirus (COVID-19) outbreak highlights serious deficiencies in scholarly communication écrit par Vincent Larivière, Fei Shu et Cassidy Sugimoto. paru le 5 mars 2020 sur LSE Impact Blog (London School of Economic) [/ref]
Le 20 janvier l’état chinois reconnaissant lui-même cette contamination. Mais la nouvelle n’a été publiée dans les revues prestigieuses anglophones internationales que le 27 et 28 janvier 2020. Mieux, le gouvernement chinois encourageait les publications locales et non internationales. Le MoST (Ministère de la Science et de la Technologie) ordonnait aux universités chinoises de limiter le recours aux articles à facteur d’impact […] stipulant ainsi que le nombre de documents ne peut pas être employé comme critère essentiel pour apprécier les performances de la Recherche.
On apprend aussi que la litterature scientifique mondiale COVID 19 n’est accessible en libre accès que pour la production la plus récente mais que les scientifiques ont publié sur le sujet, depuis les années 1960 et que ces articles (plus de 13000) ne sont pas en libre accès.
Alors, les éditeurs font peut-être des efforts pour mettre en ligne gratuitement des revues prestigieuses mais où peut-on trouver la totalité de la production scientifique COVID ? En réalité, nul part moins de payer. Elle dort dans des archives d’éditeurs scientifiques prestigieux . Ils mettent à libre disposition la frange congrue d’un savoir dont les chercheurs ont certes, besoin pour travailler. Mais celle-ci reste incomplète, à moins encore une fois, de payer pour y accéder.
Alors question : Le Savoir est-il toujours condamné à appartenir aux Puissants ? Aux 21e siècle ce ne sont plus les Eglises mais les éditeurs scientifiques : Elsevier, Springer, Taylor et Francis, Wiley pour ne citer qu’eux. La vie n’a pas de prix. En gardant cette partie de la littérature scientifique en accès payant c’est la vie humaine qu’ils prennent en otage au nom du Profit et de l’Argent.
Et de là, émergent des découvertes. Il faut ainsi s’intéresser aux pré-print dont le nombre de publications explose en ce temps de covid. Les chercheurs sont au travail et échangent leurs résultats via les serveurs de pré-print medRxiv et bioRxiv. [ref] https://www.letemps.ch/sciences/coronavirus-met-revues-scientifiques-pression [/ref]
Le phénomène de création sans lequel la Recherche n’est rien n’a pas tout à fait été acheté par les grands éditeurs. Il est encore là, dans ces serveurs qui proposent la lecture gratuite et les communications scientifiques qui n’ont pas encore été labelisées par les pairs. Les chercheurs se reconnaissent entre-eux et reconnaissent la validité de leur travail quand c’est le cas. Ces pré-prints sont le terreau, la richesse, de la recherche mondiale, sans frontière ni géographique, ni d’argent.
« La Recherche doit se disséminer aussi rapidement que le virus » |ref] https://www.letemps.ch/sciences/coronavirus-met-revues-scientifiques-pression [/ref] lit-on dans le Temps si l’on veut avoir une chance d’éradiquer cette pandémie. Nous disposons d’autres outils pour celà. Des plateformes de dépôts et d’échanges tel Github qui permettent de déposer des plans, des données, des logiciels à partager. Tels les respirateurs. Framasotf, association qui milite pour le partage des données nous rappelle qu’en France, un seul producteur de respirateurs existe alors que la demande explose dans notre pays.
« Le manque actuel de respirateurs aurait pu être amoindri si les techniques de fabrications professionnelles et des plans librement réutilisables avaient été diffusés depuis longtemps »
Et que dire du gel hydroalcolique dont la fabrication n’a pas souffert de dépôt de brevet ?
« Son inventeur a développe pour l’Organisation Mondiale de la Santé une formule de gel hydro-alcoolique libre de tout brevet, qui a été associée à un guide de production locale complet pour favoriser sa libre diffusion. »
Aujourd’hui nous en fabriquons nous même. J’ai vu sur les réseaux sociaux nombre d’initiatives de fabrication de gels hydroalcooliques réalisés par les étudiants en chimie ou biochimie dans les laboratoires de recherche et fournis au personnel soignant quand il y avait des manques. L’intelligence collective est à l’oeuvre chez le chercheurs. Il faut faire vite pour sortir d’une crise sanitaire sans précédent. Mais encore faut-il leur donner les moyens, TOUS les moyens pour y arriver. Les solutions passent par l’accès ouvert total et la gratuité du Savoir. L’Association Framasoft a ainsi relayé une initiative de :
- Lionel Maurel, Directeur Adjoint Scientifique, InSHS-CNRS ;
- Silvère Mercier, engagé pour la transformation de l’action publique et les communs de capabilités ;
- Julien Dorra, Cofondateur de Museomix
qui militent pour « Pour un plan national pour la culture ouverte, l’éducation ouverte et la santé ouverte »
Ce n’est probablement qu’à ce prix et en abandonnant la course au profit et à la domination, en encourageant les initiatives individuelles et la liberté d’accès au Savoir que le vrai Savoir se dégagera de ce bouillonnement créatif gratuit vers une amélioration de la Condition Humaine
Image mise en avant : image colorisée d’une cellule infectée (en vert) par le SARS-COV-2 (en violet) – CC BY NIAID Integrated Research Facility (IRF), Fort Detrick, Maryland.
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